Différencier chaux hydraulique et chaux aérienne

Dans la famille chaux, je demande la chaux vive, la chaux blanche, la chaux éteinte, la chaux aérienne, la chaux grasse, la chaux hydraulique…j’en ai peut être encore oublié.


Pour faire de la chaux, on prend un calcaire que l’on fait brûler à 800°C, sorti du four on obtient une chaux vive, c’est celle qui est utilisée en agriculture pour amender les sols trop acides, bien évidemment elle est corrosive ; l’année suivante , on enrichira son terrain de fumier, puis culture pauvre (légumes secs), et jachère la 4ème année.

Brasseur de chaux vive, voilà un métier pénible, les poumons en prenant un sacré coup, des gerçures/brûlures à toutes les extrémités, qui aurait tendance à les rendre à l’état de moignon. A coté de chez nous les fours à chaux on tourné jusqu’après guerre, malgré ces conditions pénibles, notre dernier « chauleur » nous a quitté…à plus de 85 ans tout de même. La chaux aérienne qui en sortait était réputée pour être d’une résistance remarquable à l’humidité, elle a été utilisée pour les piles des ponts des quatre coins de France et Navarre, avant d’être détrônée par les adjuvants et ponts en béton armé.

La chaux vive est alors trempée dans de l’eau pour en faire une chaux éteinte, beaucoup plus inerte elle devient plus facile à manipuler (sans se « brûler »), tout en gardant, ce coté sain et salubre de la matière.

Après trempage, lorsque le calcaire de base est relativement pur, on obtient une chaux aérienne, elle est grasse si elle est livrée dans son bain de trempe (qui a servi à l’éteindre), elle a ainsi de meilleures propriétés que la chaux séchée, qui passée au broyeur est mise en poudre. Dans le bâtiment, la référence est CAEB (Chaux AErienne pour le Batiment), ma préférée !

Lorsque le calcaire de base a des impuretés (argile, alumines, oxydes), suite à la trempe de la chaux vive, on obtient une chaux hydraulique, dont la dureté est supérieure à la chaux aérienne mais encore très éloignée de celle du ciment. Il existe 3 catégories de dureté de la chaux hydraulique :
NHL2 (faible), NHL 3.5 (moyenne), NHL 5 (dure), on se contentera des deux premières duretés dans la restauration du vieux bâti.


Et pour faire un château avec plein de pierres…vous utiliseriez quelle chaux ? La chaux hydraulique pour sa dureté, parfait pour… les deux premiers mètres de votre forteresse. Du haut des 15m de haut de vos remparts, les joints du bas se mettent éclater par la pression de tout le poids des pierres du dessus… quelques années plus tard, vous voilà avec une ruine. La chaux aérienne offre un temps de séchage extrêmement long, c’est l’absence d’air qui lui confère sa calcification, environ 1 cm par an, le temps de finir vos remparts, les joints du bas se tasseront encore une vingtaine d’années plus tard.

Mais pour moi la plus grande différence entre chaux hydraulique et chaux aérienne tient dans la qualité de sa finition. La chaux hydraulique est terne, sa couleur vieilli très mal, elle a tendance à griser ; au contraire pour la chaux aérienne, plus le temps passe, plus l’enduit s’embellit, offrant transparence profondeur et velouté, une finition digne d’un bâti ancien.

En effet la chaux aérienne a ce pouvoir à faire ressortir la teinte naturel du matériau, en l’occurrence le sable de votre enduit. Mais il a pas de couleur mon sable ? Détrompez vous, sa couleur ressortira avec le temps, certains sables sont mêmes naturellement chargés en pigment naturels (votre main se colore légèrement en manipulant un tel sable), il s’agit des sables non lavés, et non issus des rivières ; la chaux aérienne avec ce genre de sable donne un rendu extraordinaire.

Bien évidemment, il y a possibilité d’y ajouter des pigments, à la rigueur les ocres naturels donnent un très bon rendu avec la chaux aérienne, le temps donnant la patine finale. Avec la chaux hydraulique vous aurez…un mur parfaitement uni, parfait pour le contemporain.

Il est beau mon mur, c’est l’enduit mono-couche, tout prêt une seule couche sur 4 cm d’épaisseur, on en a pour son argent …sur une fermette de pays, un massacre, là ou une simple chaux aérienne est incontournable, pour quelques dizaines d’euros, à vous de choisir.

La chaux aérienne a tout de même une tendance à s’effriter sur les pieds de murs si trop sujets à l’humidité (genre pied de mur subissant des projections d’eau des toitures sans gouttières) ; dans ce cas on effectue un enduit bâtard 10% hydraulique + 10% aérienne, pour ces parties plus fragiles, cette alliance garantie tous les avantages des 2 chaux sans trop dissiper la beauté de la chaux aérienne.

Une autre association de la chaux hydraulique et chaux aérienne peux se faire pour un enduit sur un mur ciment, typiquement un moche mur en parpaing à transformer , faites un gobeti grossier à la chaux hydraulique dessus, deux jours plus tard attaquer un enduit chaux aérienne à 15%, le lendemain un enduit de finition à 20/25%, vous avez un mur transformé, valable pour rattraper un moche mur autour de votre bâti ancien

Une chaux aérienne nécessite trois enduits successifs à des dosages différents de chaux ; après avoir maçonné vos pierres ensembles, souvent sable + terre + chaux à 10 ou 15%, on effectue un gobeti dosé à 15%, un sous enduit dosé à 20 %, enfin un enduit de finition à 25% voir davantage et très fin (moins d’1cm d’épaisseur). Ses 3 couches successives au dosage de chaux différent sont un véritable rempart contre l’humidité, tout en conférant à votre mur une respiration inégalable. Évidemment le temps de mise en oeuvre est multiplié par trois, donc c’est souvent pour cette raison économique que de tels enduits sont de nos jours abandonnés, mais pas seulement.

En effet, qui dit bâti ancien, dit restauration dans les règles de l’art, que neni, quel artisan peut se permettre d’appliquer trois couches d’enduit pour le coût d’un enduit à passe unique. Aujourd’hui les collectivités, chapeauté par des budgets et monuments dit historiques, prônent un erzatz d’enduit, c’est vendu comme magnifique enduit à la chaux. Quand çà vient d’être fait, çà jette un max, le ministre passe, la photo est prise, et mise dans le canard, tout le monde applaudie, le gaffeur est réélu pour les enduits qui viennent d’être refaits. Trois ans plus tard, l’enduit de chaux vendu tel que, ce bel enduit dit historique, vire au gris…bref une belle chaux hydraulique. Faut que çà tienne 10 ans, pas question de voir un effritement de mur typique de la chaux aérienne, le moindre élu ignare fait revenir l’entreprise pour… ce qui est un effet normal avec une chaux aérienne les premières années…donc pas question faut que çà file droit un bâtiment historique, mettez de l’hydraulique çà bouge pas même si c’est moche dans 3 ans, on s’en fou on rénovera un autre bâtiment pour passer dans le canard et les autres élections.

Quel dommage, heureusement nous sommes bien conseillés, faites un enduit à la chaux, même les conseillers en bâtiment (subventionnés avec vos impôts) ne font pas la différence, payé pour enlaidir votre patrimoine. Encore une fois l’exemple d’une belle ferme fortifiée avec ces belles petites briquettes 18ème, qui a refait tous ses enduits avec une chaux hydraulique, çà fait un effet ..en fait, çà fait aucun effet c’est déjà grisé un an après.

Un enduit à la chaux aérienne, n’est pas seulement beau à travers le temps, mais l’est également à travers les saisons. En plein été, il libère la faible « humidité » du mur, il devient proche du blanc ; en hiver, davantage chargé en humidité il prend des teintes plus jaunâtres, du plus bel effet. Avec un enduit à la chaux aérienne, tous les jours vous pouvez le regarder vous n’aurez pas le même mur tant ses coloris sont changeant au fil du temps et des saisons.

Et pour votre petite truelle, ce sera chaux aérienne ou hydraulique ?

 
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